Une histoire de temps qui se joue de nous…

Et voilà que nos hiers s’étiolent et qu’échappent à nos mémoires essoufflées, le contenu précis de nos attachements comme de nos détachements, de nos confidences comme de nos trahisons.

Il y a certes des choses qu’il nous plaît d’oublier, quand bien même elles restent pour toujours tapies dans l’ombre de nos désirs, dans ce que la méconnaissance de ces derniers nous laisse pourtant pressentir à tous les instants. Puis il y en a d’autres pour lesquelles on voudrait tenir bon, trouver des stratagèmes pour les conserver intacts, vierges de toute déformation temporelle, processus auquel elles ne pourront pourtant jamais réellement échapper.

En reste alors ce qu’il en reste, que ça nous plaise ou nous déplaise.

Le temps se perd en nous comme nous nous perdons en lui. A peine pensons-nous le saisir que déjà il se dérobe, trop souvent dans l’amertume d’un profit qu’on pense n’être jamais plus qu’illusoire, et dans le tiraillement d’un tic-tac dont les aiguilles nous piquent le cœur encore et en corps.

Nous sommes dans l’impossibilité frustrante d’être au temps, et voilà que le temps nous limite du même temps qu’il nous déborde et nous laisse accablés du réel et de ses contraintes, défaits de l’idée d’une liberté -qui elle demeure et demeurera toujours subjective de toute évidence. Mais peut-être est-ce d’ailleurs la subjectivité elle-même qui est acte de liberté (si l’on omet volontairement l’influence permanente de nos allégeances passées)… une subjectivité qui, n’appartenant qu’à Un seul, jouerait de son originalité pour nous affranchir d’un temps compté et toucher du doigt l’Intemporel.

Mais encore faut-il s’y risquer. Et encore faut-il savoir se représenter ce que serait l’intemporel.

Alors voilà que le temps s’érige comme un sanctuaire face à quoi le courage a un sens. Et dès lors, voir plus large et ne plus se soumettre au temps, ne plus tuer le temps, ne plus avoir de temps mort, ne plus gagner du temps ou perdre du temps… mais juste ÊTRE, complet et accompli dans cette disposition à l’existence, dans l’instantané d’un désir, d’une respiration ou d’un simple regard.

Et s’attacher ainsi à saisir cet élan vital qui n’a de sens que dans ce mouvement perpétuel entre soi et le monde, qu’il soit psychique, physique ou énergétique. N’être enfin au temps que dans la fièvre créatrice qui délivre notre corps, dansant et vivant, car c’est bien là tout ce qui compte.

Le temps a cela de frustrant de ne pouvoir tenir dans une analyse ferme, il parait presque impensable tant il s’illustre en paradoxes, tant il signifie tout et son contraire, tant il est vertigineux.

On ne dira jamais assez du temps, car il en faudrait plus que ce qu’il nous est accordé pour en esquisser les contours.

Le temps se protège par lui-même, la belle affaire.

Cile

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